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Quelque chose du temps


Myriam Louyest est une plasticienne fascinée par la transparence, un thème qu’elle explore à travers le verre, la résine, l’eau... Les formes, les couleurs, les reflets, les mouvements de la matière translucide et de la lumière qui la traverse, déclinés en volumes, assemblages et installations, sont régulièrement invités par l’artiste à dialoguer avec des lieux dont ils subliment la résonance symbolique ou formelle, comme l’ancienne piscine de Mouscron (2014), les verreries Fauquez (Caviart 2009) ou encore le Bois du Casier (2016). Ce dialogue est l’un des axes forts du travail de l’artiste, qui n’a pas hésité à investir de ses polyèdres de verre et de résine époxy la chapelle castrale du Parc d’Enghien (« Miroirs », 2016) ou à les associer à la célèbre « Communiante » de Lempicka (« Nage libre », Mons 2017) en une proximité mystérieusement transgressive. En 2018, c’est la Maison Losseau de Mons qui devint quelques semaines durant le lieu d’un parcours sensible entre les volutes organiques, les ferronneries et les marqueteries Art nouveau, trouées de la lumière de ses œuvres de verre, de résine et d’étonnantes projections.

Lorsque Myriam Louyest découvre les Archives de Bruxelles, rue des Tanneurs, elle est immédiatement frappée par la magie et la poésie des lieux, un magnifique ensemble commercial qui jusqu’en 1976 appartenait à l’entreprise « Jules Waucquez et Compagnie ». La famille Waucquez y a développé et maintenu, pendant 75 ans, un des plus importants commerces de tissu du pays. Depuis que les Archives ont pris leurs quartiers dans ces bâtiments classés et meublés d’époque, il semble que le temps s’y soit arrêté.

Dehors, partout, règne l’immatérialité numérique. Dedans, c’est en consultant l’archive dans sa matérialité, de papier ou sur microfilm,qu’on accède à l’histoire de la Ville et de ses habitants : une archive rassurante, cataloguée, classée, rangée en des caisses alignées ou sur d’anciennes étagères tels autrefois les rouleaux de tissu, les échantillons, boutons et autres bobines de fil. Naissances, décès, mariages, contrats, plans, journaux, affiches… c’est bien de quelque chose du temps qu’il s’agit. Désespérément, presque tragiquement : archiver, garder, transmettre. Sauver pour ne pas perdre.

Myriam Louyest ne faillit pas à ce qui fait désormais sa marque : la façon dont elle choisit d’investir de ses œuvres les lieux où elle expose, s’inspirant de leur architecture, de leur histoire et de leur fonction, en un dialogue qui sublime les unes et les autres. Fragments taillés, filins filés, verres, couleurs et transparences, voiles ou papiers, les créations de l’artiste évoquent et suggèrent ce Quelque chose du temps, du temps où l’on ne sera plus jamais[1] . Sur d’anciens comptoirs, dans des casiers à tissus aujourd’hui dévolus au classement, ou le long de la monumentale cage d’escalier menant à la verrière centrale, le travail de Louyest révèle, illumine ou troue ces espaces qu’il magnifie et dont il dévoile le détail oublié.

À l’heure du cloud, il nous confronte aussi à la matérialité de l’archive comme lien, personnel ou collectif. Et il nous rappelle que c’est ici que se trame la mémoire des Bruxellois.

[1]Les années, Annie Ernaux, Gallimard, 2008.

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